Ruralité

La nature est encore endormie et les rivières débordent. Ce week-end, il faisait plus de 10 degrés, ce qui n'était pas arrivé depuis plus de deux mois. J'ai ressorti mon vélo et je suis allé faire une petite promenade, malgré le vent. Il est temps de commencer les travaux de jardinage...

Le terme "mural" serait plus approprié, mais il n'est pas très poétique. Appliqué à un végétal, "rupestre" signifie "qui croît sur les rochers". Mais d'après tout, ce mur n'est constitué que de pierres. La couleur et l'abondance de la mousse montrent qu'elle a apprécié cet hiver humide.

Ces touffes de mousses fluides évoquent quelque organisme marin ondulant lentement au grès des vagues. Nous sommes pourtant en forêt, bien loin de la mer. Je ne rencontre pas souvent cette variété assez remarquable.

En direct du Val Suzon, près de Dijon, où j'ai fait avant-hier une promenade assez physique (il y a un dénivelé conséquent), voici un hellébore fétide en fleur. C'est la seule plante sauvage que j'aie rencontrée et qui en soit au stade de la floraison. (Hum, deux subjonctifs dans cette phrase, je me demande s'il n'y en a pas au moins un de trop, si un ou une adepte de la grammaire passe par là, par exemple Jacqueline, merci de nous éclairer :-). Bien sur, cette fleur est verte et sent très mauvais, mais c'est un début...

Ce qui m'avait marqué dans le dessin animé Heidi, où une petite fille de la ville va vivre à la montagne chez son grand père, c'est l'arrivée subite du printemps : un jour le paysage est recouvert de neige, et le lendemain, les prairies verdoyantes sont tapissées de fleurs. Dans la vie réelle, la transition se fait de manière plus lente et plus floue. Il y a souvent en février des journées printanières et en avril, parfois en mai, des journées hivernales. Ces chatons de noisetiers sur fond de graines de glycines traduisent bien l'avancée de la saison.

Cette photo a été prise il y a deux jours, alors que l"étang en bordure de la forêt était encore recouvert de glace. Ce paysage asséché par le froid va changer au cours des prochaines semaines. Je tenterai d'y retourner si le site, déjà difficile d'accès, ne devient pas complètement inabordable...

Le printemps arrive je le sens. L'air est rempli de chants d'oiseaux. Bientôt ce nid douillet pourra reprendre du service...

Les bryophytes sont les premiers végétaux à avoir essayé de conquérir le milieu terrestre. Autrement dit, avant leur apparition, les seuls végétaux sur terre étaient les algues. Ici nous sommes en présence d'une variété de Thuidium qui recouvre la base du tronc d'un vieux chêne.

Les mousses résistent très bien à la rigueur de l'hiver. Ces plantes rudimentaires n'ont pas de racines ni de vaisseaux internes. Elle se nourrissent directement avec leur feuilles, par photosynthèse et en absorbant certains composants organiques ou minéraux contenus dans l'eau. Parce qu'elles existaient déjà il y a des centaines de millions d'années, les observer c'est faire un voyage dans un lointain passé, bien avant l'apparition de l'homme. C'est peut être aussi faire un voyage dans un lointain futur, quand l'homme aura disparu... Mais seront elles aussi belles lorsqu'il n'y aura plus personne pour les regarder ?

A deux pas du site de la photo précédente, voici des sapins aux futs bien alignés. C'est une chance d'avoir près de chez soi une forêt aussi diversifiée.

Parce que les journées ensoleillées sont rares cet hiver (surtout dans le val de Saône), lorsque les conditions sont réunies pour une promenade, il ne faut pas se priver de l'ambiance chaleureuse de la forêt. J'ai l'impression que la neige a ravivé les teintes des feuilles mortes et des mousses.

Ce lieu préservé est en fait un sentier qui suit le fond d'une petite combe reliant deux villages proches de Dijon. A quelques mètres, contre la falaise orientée au sud, la température devient très douce au moindre rayon de soleil. Mais ici règne la fraîcheur, l'humidité et cette lumière particulière qui filtre à travers la mousse et les branches des arbres. Le gradient de température entre les deux niveaux est impressionnant.

Nous sommes dans un endroit où le temps s'écoule plus lentement qu'ailleurs, où la mousse recouvre les troncs des buis centenaires. Un lieu préservé parce que faiblement impacté par les activités humaines. Les pierres, la végétation, la lumière, tout est fidèle aux souvenirs de mon enfance, et pourtant ce petit havre est à quelques minutes de marche de supermarchés, de voies rapides, d'immeubles d'habitation, de centres commerciaux qui n'existaient pas à l'époque.

C'était dimanche dernier, au bord d'une route entre Côte d'Or et Haute Saône. Les franges bleues ressortaient étrangement entre la terre recouverte de neige et les nuages gris qui remplissaient lentement le ciel. La matinée avait été ensoleillée, l'après midi fut plus mitigée, à l'image de cet hiver changeant qui nous invite à la contemplation.

Le jardin du voisin est en sommeil, sous la neige. Mais regardez cette ingénieuse "choillot" fabriquée à l'aide d'un coffre en plastique et de branches d'arbres. C'est autant de l'art que du recyclage. Ici, rien n'est gâché et de succulents légumes sont produits tous les ans à peu de frais.

Voici une autre photo de cette étrange soirée de dimanche dernier, lorsque le soleil se couchait derrière le moulin et que les nuages recouvraient le ciel d'une chape grise. Grâce à la neige, le paysage avait conservé une certaine clarté, presque une aura. Au moment où j'écris ces lignes, il pleut à Dijon. De neige, il n'y aura bientôt plus.